mercredi 28 janvier 2015

Interview effrayante de l'abbé N. Pflugger



Source: France Fidèle (janvier 2015)

La Fraternité dans la crise – Sept questions à M. l’abbé Pfluger

Le  premier assistant du Supérieur Général de la FSSPX fait son tour du monde des visites aux diverses maisons de l’œuvre de Mgr Marcel Lefebvre.  On peut le qualifier de fin connaisseur de la Fraternité.  Ainsi donc M. l’abbé Pfluger dispose d’une information étendue et n’hésite pas à aborder des questions mêmes désagréables.  C’est ce qu’il a fait dans la présente interview accordée à la DGW sur l’actuelle crise d’autorité au sein de la Fraternité.



1. Monsieur l’abbé, il semble que les zélés protagonistes de la « Résistance » seraient devenus la référence concernant la vie de Mgr Lefebvre.  D’après eux,  le fondateur de la Fraternité était un fanatique borné, peu détendu et peu diplomate.  S’agit-il là d’une falsification de l’histoire ?

_ Il ne saurait être question de référence.  Au contraire, ladite Résistance, qu’il faudrait plutôt qualifier de « pseudo-résistance », s’est déjà divisée sur cette interprétation.  Les plus acharnés d’entre eux déclarent ouvertement que Mgr Lefebvre se serait trompé parce qu’il n’aurait pas fondamentalement exclu tout contact avec le Saint Siège et une régularisation de la position de la Fraternité.
Il est habituel de chercher à légitimer la situation présente par l’histoire et les enseignements de cette dernière.  Ainsi on est tenté de représenter les événements  passés et les personnages sous un éclairage favorable aux thèses actuelles.  La « Résistance » fait tout ce qu’elle peut pour instrumentaliser Mgr Lefebvre en faveur de ses idées.  Toutefois ce dernier était beaucoup trop catholique, trop partisan de l’Eglise universelle pour entrer dans le jeu de ce sectarisme.  Sa pensée et son action étaient larges, à la dimension du monde, c’est-à-dire catholique.  Père du Concile qu’il était, il a signé en 1988, deux ans après le scandale d’Assise, un accord qu’il a dénoncé pour la seule raison qu’il était convaincu que Rome ne respecterait pas les accords (Délai du 15 août pour les consécrations épiscopales).
En ce qui concerne la pseudo-résistance, il ne s’agit pas seulement de falsification de l’histoire.  Ces gens-là élaborent, à partir de questions d’ordre pratique, d’intelligence, de diplomatie, une question de foi de leur propre crû.


2. Est-il possible que des injures, des calomnies proférées contre la direction de la Fraternité ces derniers temps puissent être imputées à une notion unilatérale de péché de la part de l’homme moderne qui ne considère pas comme une attitude peccamineuse de se considérer supérieur à tout et à chacun et sa propre référence ?

_Voilà qui est bien dit, mais je crois que l’affaire est plus simple.  Ces gens pratiquent plutôt avec grand zèle une religion qu’ils ne comprennent pas.  Ils s’imaginent qu’il y a péché souvent là où il n’y en a pas (il se trouve parmi eux des moralistes, des jansénistes).  Il est curieux que des gens, qui se considèrent comme les plus fidèles catholiques romains, ne craignent rien tant que Rome.  Et ils n’ont plus qu’un ennemi : Mgr Fellay !  Comme nous l’avons dit, il s’agit d’une attitude de refus extrême de la réalité. 
Au fond, ils nourrissent une notion protestante de la foi.  Leur foi et leur obéissance sont soumises à des critères subjectifs et personnels.  Ce qui n’est pas catholique.


3. La « Résistance » ne fait pas recette en zone germanophone.  Mais n’y a-t-il pas chez nous quelque chose de beaucoup plus dangereux, une sorte de « Résistance-soft », sans rébellion ouverte certes, mais un confort de type « Biedermeier allemand », empreint d’un isolement social et ecclésial ?

_ C’est certes un problème.  Nous avons tout : notre prieuré, notre école élémentaire, notre communauté, notre évêque.  Que désirons-nous de plus ?  Les croyants sont souvent aussi culturellement des conservateurs qui ne souhaitent surtout aucun changement.  C’est pourquoi nous ne sommes pas aussi missionnaires que nous le pourrions, parce que nous ne souhaitons pas la bienvenue à d’autres arrivants porteurs d’idées et d’expériences nouvelles,  car l’accroissement d’une communauté équivaut toujours à un changement.  Avec toutes les expériences traumatisantes vécues depuis plus de 50 ans maintenant, toute nouveauté est considérée comme suspecte.  C’est pourquoi on se cantonne dans une attitude de refus.  Je n’établirais toutefois pas un lien entre ce phénomène et celui de la « Résistance ».  Il s’agit d’un problème général qui nous touche tous.  Cela explique certainement le scepticisme qu’inspirent les efforts déployés en vue d’une régularisation de la Fraternité, mais le problème est plus étendu.  Il s’agit fondamentalement d’un défi d’ordre pastoral.
Il y  a certes des exceptions là où surgissent de nouvelles communautés, de nouveaux groupes comme en Afrique, à l’Est (Pologne), aux Philippines surtout, en Amérique du Nord, dans de jeunes communautés religieuses.  Mais à l’échelle mondiale, on observe que se répand dans les anciens milieux traditionalistes bien établis une sorte de malaise général.  C’est un sentiment de profonde lassitude, de déception aussi, de ras-le-bol diraient les Français, ce qui en allemand se dit « die Nase voll » (plein le dos, plus d’envie).  Ce malaise touche les individus, mais aussi les familles, les collectivités, les communautés, l’apostolat.  Mais comme nous l’avons dit, il y aussi des exceptions.  C’est ainsi qu’il y a peu l’abbé Udressy a déclaré, au Conseil général, que depuis quelques années un grand zèle et un véritable enthousiasme se développent dans la KJB (organisation de la jeunesse catholique).  Aux premiers temps du mouvement traditionaliste, l’enthousiasme était général, omniprésent.  Des conversions et vocations abondantes, des fondations et centres de messe dans le monde entier.  Le point culminant de cet enthousiasme a été noté lors de l’événement des sacres des évêques en 1988.  Même l’archevêque avait la ferme conviction alors que la crise s’apaiserait rapidement, que l’Eglise retrouverait bientôt la Tradition.  Mais la crise dure, dure toujours, devenant de plus en plus grave.  D’aucuns rêvaient encore d’une croissance exponentielle dans les années 80 ; mais entretemps les vocations tarissent et ne permettent plus de combler les départs et de stabiliser les communautés.  En deux mots : la réalité n’est pas aussi simple que bon nombre se l’était imaginée ; ou comme l’a formulé il y a peu le Supérieur Général : « Nous avons idéalisé notre situation. »


4. La direction de la Fraternité a-t-elle trahi en 2012 sa mission, la foi catholique et le chapitre général de 2006 ?

Vous me posez la question ?  Comme vous le savez, les uns disent que nous les avons trahis parce que nous ne nous sommes pas immédiatement accordés avec le Vatican, les autres parce que nous sommes en pourparlers avec le Saint Siège.  Des deux côtés, on est totalement persuadé de son bon droit.  Ce seul fait démontre que nous n’avons rien trahi, ni personne, mais que, dans ces temps difficiles, nous avons balisé notre route.
A cela s’ajoute, et j’y insiste, que les déclarations d’un chapitre général ne sont pas des textes dogmatiques.  Pas plus qu’un sermon du supérieur général ou la présente interview.  Il ne s’agit pas de décisions infaillibles ; nous ne répondons qu’à certaines situations ou circonstances particulières.  S’il s’agissait d’articles de foi, nous pourrions faire chaque fois la même déclaration.
Aucun de nous, parmi les supérieurs, n’a pu s’imaginer en 2006 que le Saint Siège aurait retiré le décret d’excommunications de 1988 et que par un Motu proprio, le Pape déclarerait que la « Messe ancienne » n’a jamais été abrogée, qu’elle avait sa place au sein de l’Eglise .  En 2006, l’attitude de Rome  à notre égard était  agressive, apodictique : vous suivez ou dehors !   Depuis lors, quelque chose s’est mise en branle.  Lors de la dernière rencontre avec le Cardinal Müller et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il est  manifestement  apparu que  le Saint Siège se trouvait confronté à de gigantesques difficultés.  Le mouvement de la Tradition n’est plus désormais quantité négligeable, pas plus que les excentricités du pape et les canonisations en masse par ci par là.
Il y a six ans, le Supérieur Général n’a pas été autorisé à célébrer à Lourdes lors du grand pèlerinage.  Cette année, l’ordinaire nous souhaite la bienvenue et nos trois évêques célèbrent la messe dans la basilique des pèlerins.  Nous devons garder cela sous les yeux : un cardinal-préfet s’oppose à un autre ; des cardinaux de la Sainte Eglise critiquent ouvertement le Pape, lequel met en débat des questions de morale !  Même à notre égard, la politique ne recueille plus l’unanimité : le Pape déclare clairement que nous sommes catholiques, un ordinaire décrète que nous sommes schismatiques... « L’unité » est là ; « Rome » n’est plus un bloc ; personne ne sait à quoi aboutira la réforme de la Curie.


5. Comprenez-vous des gens qui, dans nos milieux, ne se sentent plus à l’aise parce qu’en maint endroit des « pasteurs de prieuré suffisants » répandent un climat peu tolérant de légalisme et de moralisme ? Y a-t-il entre la tolérance indifférente et le libéralisme total, une tolérance et une libéralité catholiques que nous devons pratiquer ?

Parfois ces « pasteurs suffisants » sont l’aiguillon dans la chair, qui veillent par ailleurs à ce que l’atmosphère reste ouverte, attrayante et missionnaire.  Le silence du cimetière est en effet particulièrement dangereux.  Il peut avoir son bon côté lorsque tout n’évolue pas toujours harmonieusement et que la charpente grince.  Je connais naturellement ce genre de souci, que nous avons des vues trop étroites, trop figées ; nous en avons déjà parlé.  Encore une fois, la Fraternité est née de la résistance à l’effondrement de la vie religieuse après le Concile.  Et ce fait donne naissance à une mentalité qui se refuse à vivre une nouvelle fois un tel cataclysme.  Je le comprends.  Aussi vaut-il mieux garder tout en l’état et adopter une attitude critique à l’égard de la nouveauté.  Au début des années 70, le maintien de la notion « entre les femmes » était en quelque sorte la marque de la résistance à la nouveauté.  La traduction par « Frau » au lieu de « Weib » (NdT : sans objet en français) déboucha sur une question de foi parce qu’on y voyait une attaque en règle contre le dogme de la Virginité de Marie. 
Naturellement notre époque est différente, la fumée s’est dissipée et nous ne pouvons faire du surplace.  Mais il nous faut aussi convaincre, créer un climat de confiance, encourager.  Je vous accorde cependant que le fossé entre ce que nous considérons comme approprié et le quotidien s’élargit et que ce fait n’est pas toujours signe d’un effondrement du monde, mais peut être de notre part un refus de la réalité.  La tolérance et la libéralité ont toujours été des caractères de l’Eglise, qui est une Eglise mondiale : grande, ancienne et toujours jeune.  Dans la mesure où cette Eglise descend mieux le cours du torrent, ce qu’elle fait de toute évidence depuis le Concile et ses réformes, disparaît aussi cette dimension large et il ne subsiste que des petits groupes dotés souvent aussi d’un esprit étriqué.  Aussi, ce sont précisément les jeunes qui devraient s’engager en faveur d’une libéralité catholique, voilà qui est important.  On parlait autrefois de « libéralité bavaroise », fondée dans le domaine de l’Etat, mais aussi dans celui de l’Eglise sur deux principes : 1° Chez nous, c’est l’usage ; 2° « Vivre et laisser vivre »


6. N’y a-t-il de fruits spirituels que dans la FSSPX ?  Si non, avec quels groupes ou communautés du rite ancien voyez-vous une possibilité de coopération ?

Extra ecclesiam nulla salus, ce qui vaut pour l’Una sancta, la sainte Eglise, dont la taille dépasse celle de la FSSPX !  Mais votre question est très importante et malheureusement très actuelle.  Peut-être certains vont-ils penser que le mouvement traditionaliste est l’Eglise ; en dehors de chez nous, la vraie foi n’existe pas, pas plus que de fruits spirituels.  Ce serait là une tentation en rien conforme à la nature de l’Eglise, ne pouvant pas même être justifiée par la crise ou les scandales se produisant dans l’Eglise.  Elle résulte du fait que, tant dans la liturgie, et tout particulièrement dans l’art religieux, que dans la doctrine et la spiritualité (usages, dévotions, pratiques religieuses), on est tenté de confondre la véritable dimension de la Tradition avec les traditions c’est-à-dire avec la manière dont on s’est comporté au cours des deux derniers siècles en matière d’Eglise et de religion.  Voyages à bas coût, mondialisme et multi-culturalisme, autant d’éléments d’ouverture et d’élargissement des horizons.  Les traditions peuvent être si différentes, précieuses et fondées, sans toutefois relever de la loi naturelle.  Ce qui est d’usage ici est impensable ailleurs et inversement.  Je suis revenu des Indes il y a quelques semaines et je pense immédiatement au « Dhoti », l’habit traditionnel de l’homme et au « Sari » pour la femme ; en termes simples, les hommes portent la robe et les femmes, le pantalon.  A Tokyo, j’ai dû dire la messe dominicale sans chaussures, et aux Iles Fidji, j’ai été reçu avec des « Cava », boisson traditionnelle, infecte et qui, au surplus, vous démolit le foie.
N’est-on pas tenté de stigmatiser de « moderniste », « libéral », « maçonnique », tout ce qui n’est pas conforme à la routine des 19ième et 20ième siècles.  Une tradition aussi erronément conçue n’est pas attrayante, ne peut convaincre, pas plus d’ailleurs qu’on ne peut édifier l’Eglise selon l’image qu’on en a des années 50 ou selon les arguments mis en valeur dans les années 70.  Il faut un vaste travail de formation et d’information, de l’intelligence et de l’esprit de discernement.  Les clichés et arguments à l’emporte-pièce ne sont pas constructifs.  Il s’agit au contraire de découvrir le vaste trésor de la Tradition et de la chrétienté.  Je pense souvent que si nous n’y réussissons pas au cours des prochaines années, il nous sera très difficile de transmettre la Tradition de manière convaincante. 

Seule l’Eglise est universelle et parfaite ; elle ne s’enrichit pas de l’extérieur, pas même auprès d’autres religions.  Toutefois les communautés ecclésiales ont souvent besoin de  l’Eglise.  Le mouvement de la Tradition est un membre de l’Eglise et a-t-il besoin de l’Eglise générale ou d’autres éléments de l’Eglise ou se déclare-t-il tout simplement « l’Eglise », voilà la question ?  S’il n’est qu’une partie de l’Eglise, quoique des plus importantes, il ne détient pas tout le trésor de l’Eglise et de sa Tradition et ne peut se dispenser de prendre contact avec d’autres communautés et de s’approprier d’autres éléments dont elle n’est pas en possession.  Il serait trop simpliste de taxer de stérile, hérétique ou conciliaire tout ce qui n’est pas conforme à nos vues.  Ceci étant, il existe divers degrés d’ordre théologique dans les décisions et définitions de l’Eglise.  Une hérésie, une erreur condamnée par l’Eglise, une erreur selon notre jugement et un  avis d’ordre théologique, voilà autant de différences !
Selon l’ancien principe « Lex orandi est lex credendi » (on croit selon la manière de prier), on peut affirmer – ce que confirment bien des statistiques – que la catholicité demeurera durablement là seulement où la liturgie et la prédication concordent, là seulement où il y a des fruits spirituels et la possibilité de rénovation de l’Eglise.
Lorsque le prophète Elie, abattu, souhaitait mourir, parce que, pendant plusieurs années, il s’était en vain battu contre le paganisme et l’infidélité du peuple et pensait être demeuré le seul vrai croyant, Dieu dut lui enseigner qu’il en restait encore 7000 qui ne s’étaient pas agenouillés devant Baal  (III Rois 19, 18).
« N’éteignez pas l’Esprit », dit l’apôtre Saint Paul.  Nous connaissons la fameuse parole du Christ : « Qui n’est pas avec moi est contre moi » (Mc 9, 38-40) Nous faisons partie d’un mouvement de rénovation puisant à la Tradition, d’où sa vigueur.  Nous en sommes un élément important pour le sauvetage de la liturgie romaine qui, en fait, est l’œuvre de Mgr Lefebvre, élément même indispensable.  Nous en sommes fiers.  C’est tout à fait particulier, une élection !  Cela ne signifie pas que tous les autres valent moins ou ne produisent pas de fruits spirituels et que celui qui penserait cela prenne garde de tomber.  On peut avoir l’impression parfois que le mouvement de rénovation achoppe parce que malheureusement il n’est pas uni.  Les autres ne coopèrent pas réellement avec nous parce qu’à leurs yeux, nous sommes à  « l’extérieur » et notre Résistance ne veut pas coopérer avec eux parce qu’ils sont à « l’intérieur ».  La division n’est jamais œuvre du Christ.


7. La Fraternité Saint-Pie X en tant que « famille spirituelle » éprouve de  très graves problèmes.  Comment peut-on se comporter à l’égard des semeurs de division, tant les laïques trompés que les prêtres désobéissants ?  Les « normaux » ne sont-ils pas non plus responsables de la situation actuelle parce que – ce qu’on ne peut pas à tout le moins reprocher aux « opposant » - ils sont souvent moins zélés et moins intéressés par le combat de la foi ?


Je récuse l’assertion que nous serions confrontés à de très graves difficultés.  Ce n’est pas aussi simple.  Certes les difficultés existent mais la grâce produit aussi des merveilles.  Et je pense à la propagation de la foi, la fidélité dans les petites choses, les nombreuses belles familles catholiques, les âmes soucieuses de leur sanctification.  Dans quelques jours, je m’envolerai pour l’Afrique pour visiter nos missions dans cinq pays.  Au Kenya, la Fraternité a fondé une nouvelle communauté de sœurs missionnaires et les vocations arrivent du monde entier en nombre supérieur à nos possibilités d’accueil.
Je ne crois pas que les difficultés soient imputables aux quelques départs.  Voyez, nous formons un mouvement issu du refus des réformes instaurées à la suite de Vatican II. Nous représentions le canot de sauvetage pour bon nombre de catholiques vraiment pieux qui, dans les années 70 et 80, ne se sont tout à coup plus reconnus dans leur Eglise et qui, pour cette raison, sont attachés à ce qu’ils détiennent.  Mais il nous faut maintenant expliquer que nous ne vivons plus à cette époque, que la situation a poursuivi son évolution et que, de ce fait, nous devons continuellement nous repositionner.  Les croyants se rendent compte aussi que la crise de l’Eglise n’est pas résolue, qu’elle empire même.  Il en résulte donc une contradiction interne entre l’expérience et les préoccupations des uns, d’une part, et les attentes des autres, d’autre part, en dehors de la réalité.  Cette contradiction, je n’en disconviens pas, nous incite à agir.
Nous avons échappé au naufrage après le Concile mais pour cela précisément, nous sommes confrontés à de nouvelles difficultés en raison de la particularité de notre situation.  Les questions que vous avez posées au cours de la présente interview ont clairement fait ressortir les véritables problèmes et ce n’est pas un mal car souvent nous ne percevons que le danger du modernisme religieux, et Scylla est près de Charybde.  Dans une certaine mesure, les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont tout simplement imputables à la crise de l’Eglise et à notre situation spécifique, mais par ailleurs aussi au comportement erroné des hommes.  Dans ces circonstances, il nous faut convaincre, argumenter, être gagnants.  Je  souhaite qu’on réfute plus nettement ces porte-paroles évoqués plus haut, qui s’affichent comme zélés défenseurs d’une religion, qui ne connaissent aucune mesure et combattent une Eglise qui les dépasse.  Ce mauvais esprit ne nous gêne pas réellement.  Ces gens ne sont pas des croyants zélés mais des fanatiques dévots ; ils doivent se rendre compte qu’ils ne représentent pas les croyants mais seulement eux-mêmes.  C’est à cette tâche que sont invités tous les croyants et particulièrement la jeunesse.
Les tempêtes continuent à rugir, les discussions et querelles qui ont marqué le synode des évêques à Rome au sujet de la famille sont choquantes, tandis que le Supérieur Général de la Fraternité prêche la vertu d’espérance à Lourdes !  Pas de théories de conspiration, pas d’apocalypse mais « Spem contra spem » (Rom 4, 18), espérance contre toute espérance.  Voilà qui est catholique.  Au paroxysme de la révolution de mai 68, trois ans après le Concile, Mgr Lefebvre adressait aux membres de la communauté dont il était alors le supérieur général un article qu’il est bon de relire encore, intitulé : « Pourquoi nous sommes optimistes ? » Et il donne deux raisons : la foi catholique que nous avons reçue de l’Eglise et une nouvelles jeunesse qui s’enthousiasme pour une vie chrétienne.

Entrevue menée par M. Schäppi, rédacteur en chef de DGW à la fin de l’automne 2014.

mardi 27 janvier 2015

L’abbé Simoulin : un esprit romain ou un simple plaisantin ? (La Sapinière)

Source: La Sapinière


L’abbé Simoulin, comme ancien directeur du séminaire d’Ecône et ayant assisté aux derniers instants de Mgr Lefebvre, fait partie, selon Ennemond-Jacques-Régis du Cray, des personnes « qui l’ont vraiment connu de très près et qui ont reçu le plus d’indications pour l’avenir». (Fecit, 14 mai 2012)
En effet, M. l’abbé Simoulin connaît si bien la pensée de Mgr Lefebvre, qu’il peut se permettre de censurer les textes du vénéré fondateur.
L’exemple qui suit suffira à mesurer le degré d’honnêteté de M. l’abbé Simoulin.
L’abbé Simoulin, dans Le Seignadou de septembre 2014, met en garde ses lecteurs : le « Monseigneur des batailles» ne doit pas occulter le « Monseigneur secret» qui est celui de la sainteté sacerdotale. Mgr Lefebvre n’était pas, selon notre homme, un « expert en condamnation de toutes les erreurs en vogue » mais un « apôtre de Jésus et de Marie. » Pour illustrer cette profonde spiritualité, M. l’abbé Simoulin donne en particulier deux exemples :
1) Les dernières conférences de Mgr Lefebvre aux séminaristes où les thèmes ne sont « ni la condamnations des erreurs modernes, ni le combat contre la nouvelle messe, ni la critique de Rome, du pape mais plus sacerdotalement de ‘quelques remarques liturgiques’ et des ‘dispositions pour l’apostolat’. »
2) L’Itinéraire spirituel de Mgr Lefebvre que « tous les fidèles possèdent ou devraient posséder et que tous devraient relire de temps à autre » avec « sa conclusion à ne pas oublier : La « Romanité » n’est pas un vain mot ».
Comme tout bon révisionniste se doit de le faire, allons maintenant à la source des documents voir ce qu’il en retourne exactement.

1) Les trois dernières conférences de Mgr Lefebvre

Nous ne voulons pas être trop long. Nous ne donnerons que quelques extraits de ces conférences d’une heure chacune. Mais le lecteur doit savoir que les citations suivantes, et qui sont du même ton, nous aurions pu en donner près de six pages pleines.

7 février 1991 : remarques liturgiques.

Mgr Lefebvre vient de parler de l’esprit qu’il faut avoir quand on traite des choses sacrées, puis ajoute :
« Voilà, je voulais aussi conclure les deux conférences que je vous ai faites pour la récollection parce que je vous avais donc exposé que bien des évêques et des prêtres, même avant le Concile, avaient déjà une foi bien diminuée. Mais je crois que maintenant ce n’est pas une foi diminuée qu’ils ont, ils n’ont plus la foi dans le surnaturel, dans la grâce, mais ils ont vraiment une autre religion maintenant, maintenant ils ont d’autres principes. Tandis qu’avant le Concile, c’était la perte tout simplement de la foi, de la foi surnaturelle ; ils employaient des moyens purement humains, ils en étaient venus à des expédients naturels et humains ; mais maintenant ils sont dirigés par d’autres principes, par vraiment une autre religion absolument. Et ça, c’est beaucoup plus grave encore parce que, là où la foi diminue on peut espérer qu’on pourrait la faire revivre, lui redonner vie, mais quand on remplace la religion par une autre religion, alors c’est beaucoup plus grave, alors ça a des conséquences considérables. Et c’est à cela que nous assistons actuellement. »
Mgr Lefebvre trouve aussi le temps du parler de « la vie du Cardinal Béa », « des B’naï B’right », « des Francs-maçons », de « la liberté religieuse », du « subsistit » et au sujet de cet innovation de Vatican II, il déclare :
« C’est blasphématoire. Quand on pense à toutes ces horreurs de religions, de sectes, et de toutes sortes de choses… Alors Notre-Seigneur serait à l’origine de ça, peu importe la manière dont se réalisent et dont s’appliquent ces pratiques, cet élan de l’âme vers Dieu ! C’est inouï, ça ! Alors, voyez, c’est exactement l’inversion de la doctrine catholique. »

8 février 1991 : recollection de février

Mgr Lefebvre parle « de la nécessité de la foi » pour un apostolat fructueux et sanctifiant. Sans cet « aspect surnaturel » on devient « des fonctionnaires de l’Eglise. »
« C’est ça qui a perdu le clergé français, et le clergé en général. Disparition de la foi, chez les évêques même, pas seulement chez les prêtres. Ils n’ont plus eu la conviction qu’ils agissaient comme instruments de Notre-Seigneur Jésus-Christ, voyez. Certes, ils se sont trouvés devant des difficultés considérables. Il suffit de lire les deux livres de M. Marteau : Les catholiques dans l’inquiétude et Les catholiques dans la tourmente, qui décrit la période anté-conciliaire, entre la guerre et le Concile ; il montre d’une manière extraordinaire cette disparition de la foi, pratiquement, cette catastrophe, dans les écrits des évêques, dans leurs lettres pastorales, dans leurs dispositions. »
Mgr Lefebvre évoque l’exemple « des prêtres ouvriers » qui finissent comme « chefs de la cellule communiste dans les usines, et mariés bien sûr, vivant en concubinage… abominable, lamentable, expérience désastreuse ! » pour en venir à l’époque actuelle :
« Voilà la différence qu’il y a entre le temps où je m’y trouvais et le temps d’aujourd’hui. Et ça c’est dans tous les domaines la même chose : ils ont perdu la foi. Ils ne croient plus à la grâce. Ils ne croient pas aux sacrements. Ils ne croient pas à la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils ne croient pas à la vertu du Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à la vertu du Sacrifice de la Messe. Rien. Tout ça c’est fini, c’est fini, ça, c’est terminé ! […] Je vous invite à lire le gros article de fond de Si si No no qui a paru aujourd’hui sur le Cardinal Ratzinger. L’auteur de l’article, je ne sais pas qui parce c’est toujours des prête-noms, alors on ne sait pas, mais enfin, en tout cas l’article est très documenté, il en conclut : le Cardinal Ratzinger est hérétique ! […] Il met en doute qu’il y ait un Magistère qui soit permanent et définitif dans l’Eglise. Ce n’est pas possible. Il s’attaque à la racine même de l’enseignement de l’Eglise, de l’enseignement du Magistère de l’Eglise. Il n’y a plus de vérités permanentes dans l’Eglise, de vérités de foi, par conséquent plus de dogmes dans l’Eglise. Ça c’est radical, évidemment que c’est hérétique ! […] Comme disait Saint Athanase : – Vous avez les églises, nous on a la foi !… Eux ils ont les sièges épiscopaux, nous on a la foi ! C’est nous qui sommes catholiques, mais c’est évident ! […] c’est clair que cette foi qui diminue dans ces proportions a sa cause dans la perte de la foi chez les évêques et puis à Rome, c’est clair ! »

9 février 1991 : recollection de février

Mgr Lefebvre parle de « la prière » et de « l’humilité » pour accomplir le « ministère ». Puis il évoque ce qui suit :
« Le nombre de prêtres qui ont abandonné le sacerdoce énorme, énorme ! Et bien c’était que ces prêtres avaient déjà perdu la foi dans le sacerdoce. Moi, je l’ai bien ressenti quand j’ai été nommé à Tulle. […] J’étais persuadé qu’on pouvait faire quelque chose. Mais mon successeur a envoyé tout ça promener […]. Tous ces évêques qui ont été au Concile, et tous ceux qui étaient responsables, et même des cardinaux ; et bien les cardinaux, au début du Concile, je m’en souviens, c’était en 1962, nous avons eu une réunion à Bordeaux avec les évêques de la région parce que nous faisions partie du Sud-Ouest, avec l’Archevêque de Bordeaux, et il a été le premier à dire :
  • Il faut en finir avec la soutane, ça n’a pas de sens qu’on ait encore la soutane !
  • Quoi ? la soutane !
  • Mais oui, c’est évident. J’ai reçu une lettre du Cardinal de Lyon, et même du Cardinal de Paris qui ont dit : oui, il faudrait qu’on arrive tout doucement à faire comprendre aux prêtres, et partout, qu’il faut abandonner la soutane !
A ce moment-là, il y a eu un profond scandale de la part des évêques. Comment ces choses-là sont venues, je ne sais pas… Mais après, tout doucement, et bien oui après tout : ne plus se singulariser auprès des gens, être un homme comme les autres, le prêtre après tout est un homme comme les autres, et voilà, terminé… […] Et en Italie c’est la même chose. C’est le Pape Paul VI qui a exigé de l’assemblée italienne que les évêques parlent de l’abandon de la soutane. Les évêques ne voulaient pas en parler parce que c’était impensable, impensable… Il a exigé et puis c’est arrivé aussi, ils ont enlevé la soutane comme les autres… Invraisemblable ! Alors c’est un manque de foi, une disparition de l’esprit de foi, c’est sûr, c’est clair ! […] ils se sont mis au niveau du siècle. »
A la lecture de ses extraits, il est évident que Mgr Lefebvre n’était pas un « expert en condamnation de toutes les erreurs en vogue » et que malgré les thèmes sacerdotales de liturgie et d’apostolat abordés, il n’a ni condamné les erreurs modernes ni émis des critiques sur Rome…

2) L’Itinéraire spirituel de Mgr Lefebvre

L’abbé Simoulin concluait Le Seignadou de septembre 2014 par le texte suivant en gras noir. Le lecteur attentif pouvait remarquer la présence, à deux reprises, de trois petits points : « La Romanité n’est pas un vain mot» et « on ne peut être catholique sans êtreromain». Ces trois petits points ne sont pas dans le texte de Mgr Lefebvre (annexe 3 : Le choix providentiel de Rome, comme Siège de Pierre, et les bienfaits de ce choix pour la croissance du Corps mystique de Notre-Seigneur Jésus-Christ). Il s’agit en fait de coupures faites discrètement par M. l’abbé Simoulin.
Ces coupures sont-elles importantes ? Changent-elles le sens du texte original ?
Le lecteur jugera par lui-même. Pour mieux visualiser les phrases de Mgr Lefebvre omises par M. l’abbé Simoulin, nous les avons mises en rouge à la place qu’elles auraient dû prendre dans le texte du Seignadou. Pour lire l’abbé Simoulin, il faut lire uniquement le gras noir. Pour comprendre la pensée de Mgr Lefebvre, que le Seignadou occulte, il suffit de tout lire.
« La « Romanité » n’est pas un vain motLa langue latine en est un exemple important. Elle a porté l’expression de la foi et du culte catholique jusqu’aux confins du monde. Et les peuples convertis étaient fiers de chanter leur foi dans cette langue, symbole réel de l’unité de la foi catholique. Les schismes et les hérésies ont souvent commencé par une rupture avec la Romanité, rupture avec la liturgie romaine, avec le latin, avec la théologie des Pères et des théologiens latins et romains. C’est cette force de la foi catholique enracinée dans la Romanité, que la Maçonnerie a voulu faire disparaître en occupant les Etats Pontificaux et en enfermant la Rome catholique dans la Cité du Vatican. Cette occupation de Rome par les maçons a permis l’infiltration dans l’Eglise, du modernisme et la destruction de la Rome catholique par les clercs et les Papes modernistes qui s’empressent de détruire tout vestige de « Romanité »:la langue latine, la liturgie romaine. Le Pape slave est le plus acharné à changer le peu que gardait le Traité du Latran et le Concordat. Rome n’est plus ville sacrée. Il encourage l’implantation des fausses religions à Rome, y accomplit de scandaleuses réunions œcuméniques, pousse partout à l’inculturation de la liturgie, détruisant les derniers vestiges de la liturgie romaine. Il a modifié dans la pratique le statut de l’Etat du Vatican. Il a renoncé au couronnement, refusant ainsi d’être chef d’état. Cet acharnement contre la « Romanité » est un signe infaillible de rupture avec la foi catholique, qu’il ne défend plus. Les Universités pontificales romaines sont devenues des chaires de pestilence moderniste. La mixité de la Grégorienne est un scandale perpétuel. Tout est à restaurer in Christo Domino, » Rome comme ailleurs.Aimons scruter comme les voies de la Providence et de la Sagesse divine passent par Rome et nous conclurons qu’on ne peut être catholique sans être romain. Cela s’applique aussi aux catholiques qui n’ont ni la langue latine, ni la liturgie romaine; s’ils demeurent catholiques, c’est parce qu’ils demeurent romains – comme les maronites par exemple, par les liens de la culture française catholique et romaine qui les a formés. C’est d’ailleurs faire une erreur, à propos de la culture romaine, que de parler de culture occidentale. Les juifs catholiques ont apporté avec eux de l’Orient tout ce qui était chrétien, tout ce qui dans l’Ancien Testament était une préparation et allait être un apport au Christianisme, tout ce que Notre-Seigneur a assumé et que l’Esprit saint a inspiré aux Apôtres d’utiliser. Que de fois les épîtres de saint Paul nous renseignent à ce sujet ! Dieu a voulu que le Christianisme, coulé en quelque sorte dans le moule romain, en reçoive une vigueur et une expansion exceptionnelles. Tout est grâce dans le plan divin et Notre divin Sauveur a tout disposé, comme il est dit des Romains, »cum consilio et patientia » ou « suaviter et fortiter »! A nous aussi de garder cette Tradition romaine voulue par Notre-Seigneur, comme Il a voulu que nous ayons Marie pour Mère. »
Tout le monde aura goûté l’esprit romain de M. l’abbé Simoulin, plein de « rigueur, finesse, souplesse… » (Le Seignadou, Juin 2014). Les trois phrases en rouge gras ne rentrant pas dans les cases du cerveau de M. l’abbé Simoulin, il a préféré les remplacer par trois petits points… Et c’est ce plaisantin qui fait la leçon à ce qu’il appelle la subversion.
Voici encore un passage qui dévoile l’individu :
« Si quelqu’un vous contrarie, commencez par oublier qui il est et qui vous êtes. Ensuite, il faudra isoler ce qu’il dit ou écrit de son contexte. Une phrase, une formule, un mot, voire un silence vous suffira. Si nécessaire, vous cherchez une autre formule, dite à un autre moment et dans d’autres circonstances. Mélangez le tout avec soin, et il n’y a plus qu’à disséquer telle proposition, l’analyser, la dépecer, l’éventrer pour y découvrir au fin fond de ses viscères les plus secrètes l’expression de cette trahison dont vous aviez besoin pour vous justifier, et que vous y avez cherché et que vous aurez réussi à introduire et à faire apparaître à force de tordre ces viscères innocentes. Avec de tels procédés, il est facile de faire d’un supérieur dont on est mécontent, un traître à sa fonction. Il est même possible de faire dire à Mgr Lefebvre ce que vous voulez qu’il ait dit» (Abbé Simoulin, Le Seignadou, Juin 2014)
Tel est le cas Simoulin : Un savant qui sait beaucoup de chose et un charlatan qui débite ses drogues sur les places publiques en exploitant la crédulité publique. M. l’abbé Simoulin connaît parfaitement les textes de Mgr Lefebvre mais il les censure pour les déformer. Ce personnage est malhonnête, abuse les âmes en pleine connaissance pour les empêcher de réaliser la décadence de la Fraternité Saint Pie X et la trahison de Mgr Fellay.
Et c’est avec un tel aumônier que les sœurs de Fanjeaux préparent leur pèlerinage à Rome ! Les pauvres ! Que les fidèles n’hésitent pas à révéler aux religieuses cette face cachée de leur aumônier.

lundi 26 janvier 2015

"Penser à son avenir " Réflexion intéressante de Louis Veuillot



« Bienheureux ceux qui ont entendu la messe dans les catacombes. Je crains moins, pour un temple, les furieux qui veulent le démolir que les fidèles qui ne songent qu’à leur potage. Jadis les parents chrétiens plutôt que d’abjurer dévouaient leurs enfants à la misère. Aujourd’hui on s’expose plus volontiers à leur voir perdre la foi qu’à leur voir manquer un diplôme. On achète froidement un titre d’avocat ou de médecin au prix de cent péchés mortels qu’ils pourront commettre avant de l’obtenir. On appelle cela « songer à leur avenir » : ce mot dit tout. Quand on était chrétien, l’avenir était au ciel ; il n’y est plus, il est ici dans les boutiques, dans les négoces, dans les affaires, dans la boue : et pour y arriver, on marche d’abord sur le crucifix. Il n’y a plus de chrétiens, car il n’y a plus de foi. S’il y avait de la foi, on saurait qu’avec tant de lâchetés on expose son âme, et on verrait ce que nous ne voyons pas : des hommes. »


samedi 24 janvier 2015

RP Michel: il n’y a rien de plus beau au monde que la polémique

Le mensonge pacifiste des modernistes






Ils ont été si polis, si «respectueux de la forme», qu’ils ont fini par imposer leur «fond», c'est-à-dire leurs erreurs. Que vaut-il mieux ?Respecter le fond, ou respecter la forme ? Et pour le dire sans ambages, ou insulter un «marchand d’erreur ou de mensonge» ou lui dire poliment qu’on «fait des réserves sur sa marchandise» ?


Une réponse polie peut ne pas convaincre ceux qui l’entendent et laisser au marchand d’erreur toute sa clientèle. Une insulte peut «ouvrir les yeux» de quelque mal informé... Et quand nous disons insulte, nous ne disons pas «grossièretés» mais «invectives», du genre de celles qu’employa Jésus dans sa vie publique. Quand Jésus traite les pharisiens de «sépulcres blanchis», il les malmène certainement davantage que si nous les traitions aujourd’hui de «salauds»... En agissant ainsi peut-être ne voulait-il pas donner un exemple à suivre... Sans doute voulait-il rappeler avec une certaine force ce que nous aurions un jour tendance à oublier : que le fond passe avant la forme, que le respect extérieur des personnes ne doit pas passer avant le respect supérieur de la Vérité qui est le suprême respect de toutes les personnes y compris celle du Verbe Incarné qui s’est dérangé un jour jusqu’à en mourir pour nous apporter la Vérité.

Et la «polémique» ? ...

On n’en veut plus. C’est connu. Voilà des lustres déjà qu’on prétend la bannir de nos discours, de nos échanges, de nos journaux religieux, de notre prédication, de notre enseignement.

Une forme plus spirituelle, plus élaborée de «pacifisme». «Pas de polémique»...

Mais gare à quiconque se permettra de penser (en le disant) autrement que nous...

Vous pouvez exprimer (disent-ils) une opinion différente de la nôtre, mais «pas de polémique».

Vous pouvez essayer (disent-ils) de démontrer que vous avez raison contre nous mais... pas de polémique.

Mais qu’est-ce donc que la polémique ?

Personne ne veut le dire. Personne (peut-être) n’en sait rien.

Ce que l’on sait, ou ce que l’on veut dire, c’est qu’il n’en faut pas. Et cela est très commode, car cela permettra, permet depuis longtemps de pouvoir tuer sans recevoir de coups... De pouvoir étouffer les âmes sous l’erreur sans entendre crier les victimes. On leur a dit : «Pas de polémique». Défendez-vous, mais ne frappez pas, mais ne criez pas, mais ne bougez pas. Et surtout pas d’armes à la maison. «Pas de polémique ».

Et dire qu’après la Vérité il n’y a rien de plus beau au monde que la polémique. Cette lutte spirituelle contre l’erreur et le mensonge avec les seules armes de l’esprit mais le don de tout son être... «Combattre pour la Vérité, avec toute son âme.»

Jésus s’est incarné pour inaugurer la «polémique» chrétienne contre le monde et contre Satan. Saint Paul premier patron des polémistes: «Argue, obsecra, increpa» (reprend, corrige, exhorte). «J’ai combattu le bon combat.»

- Mais la polémique divise les âmes !

Non, monsieur, ce n’est pas le combat qui divise. Si l’on n’était pas déjà divisé, on ne combattrait pas. Et quand on est divisé, il ne reste plus qu’à combattre ... Ou à faire semblant d’être d’accord… Quitte à se frapper par derrière à la première occasion ... et «sans polémique» !

La polémique est finalement le seul moyen de savoir où est la division, entre qui et pourquoi. Et la lutte franche, loyale vaut bien mieux que la subversion.

Il y en a de nos jours qui crient après la paix et contre la guerre,... et qui n’auront de cesse d’avoir dressé les uns contre les autres tous les habitants de la planète. Ils ne veulent pas la guerre mais la révolution. Ils ne veulent pas qu’on se batte pour des idées mais seulement supprimer tout ce et tout ceux qui s’opposent encore (si timidement il est vrai) à leur idéologie...Mettons tout par terre, mais pas de guerre.

Et les bonnes âmes, les gens à qui on a appris à respecter la «forme» répètent à qui mieux mieux : pas de guerre... Jusqu’à ce qu’ils en meurent, eux et leurs enfants."

R.P. Michel, prêtre de la Congrégation du Sacré-Coeur

jeudi 22 janvier 2015

Réponse de Mgr. A. de Castro Mayer au questionnaire du cardinal Tardini pour la préparation de Vatican II

Extrait du « Donjon » N°80 – avril 2003


Pour faire suite à la publication de la Lettre Pastorale sur les problèmes de l’apostolat moderne de Mgr de Castro Mayer dans le Donjon de Janvier 2003 – un texte qui a surpris plus d’un, c’est dire que l’air ambiant est nauséabond -, nous publions cette fois sa réponse au questionnaire du Cardinal Tardini pour a préparation de Vatican II.
Ce texte nous permet une nouvelle fois d’apprécier la lucidité et la profondeur de jugement de l’évêque de Campos.


Réponse de Mgr. A. de Castro Mayer au questionnaire du cardinal Tardini pour la préparation de Vatican II


Tiré de JESUS CHRISTUS N° 85 Janvier / Février 2003 
p. 10-15. Revue de la FSSPX du District d’Amérique du Sud.


Eminence,


Il m’a été très agréable de recevoir la lettre que vous m’avez envoyée le 18 juin de l’année en cours par laquelle vous m’informiez que le Souverain Pontife Jean XXIII, heureusement régnant, avait institué en la fête de la Pentecôte, le 17 mai passé de cette même année 1959, une Commission Ante-préparatoire, avec pour but autant le futur concile œcuménique que votre nomination comme président de cette même Commission. Vous demandiez en même temps des observations, ainsi que des conseils et des vœux quant aux sujets et matières dont il pourrait être traité dans ce synode universel par les futurs Pères conciliaires.
Avec cette lettre, vous trouverez les thèmes qui me semblent en effet les plus propres à être discutés et tranchés pendant le concile œcuménique pour la plus grande gloire de Dieu et de toute l’Eglise. Je soumets humblement et respectueusement toutes ces choses à votre sagesse…


                                    Antonio de Castro Mayer
Evêque de Campos



Les erreurs, c’est-à-dire le naturalisme, le matérialisme, etc., desquelles procède la crise qui trouble aujourd’hui la cité chrétienne, ont été souvent dénoncées et condamnées par l’Eglise. Cependant, une nouvelle condamnation de la part du Concile Œcuménique réuni pour notre temps semble opportune.
Cette nouvelle condamnation gagnerait une grande efficacité si le Concile dénonçait en même temps l’existence d’un complot contre la cité de Dieu.
En effet, la conjuration antichrétienne n’est pas le résultat de la rencontre fortuite de plusieurs erreurs ou de leurs auteurs ; au contraire, elle possède véritablement une unité d’intention.
Par conséquent, le lien d’intention entre ces diverses erreurs ne doit pas être négligé, car ce sont les moyens qu’utilise l’ennemi du genre humain pour imposer son empire sur les esprits et les coutumes des hommes.
Ainsi considérée, la conjuration antichrétienne apparaît sous son véritable éclairage, non concrètement comme un système doctrinal pur et simple, mais comme une véritable volonté d’instaurer une nouvelle conception de la vie, en faisant adroitement pénétrer dans l’esprit une façon de penser et de se comporter contraire aux principes chrétiens.
Cependant, l’efficacité de l’action antichrétienne réside dans la propagation, non tant de ces erreurs sur lesquelles elle s’appuie, que des énoncés qui sont à première vue inoffensifs mais qui contiennent en réalité en eux même le venin maléfique de la conjuration antichrétienne qu’ils insinuent dans les âmes, tandis qu’ils créent les artifices de l’empire de l’ennemi.
Quoique dissimulé, le venin de la conjuration antichrétienne donne naissance à de nouvelles conceptions de l’art, à plusieurs pratiques dans la vie sociale et à d’autres comportements des hommes. C’est seulement par ces moyens que l’ennemi peut conserver son empire sur les hommes. C’est pourquoi il est très opportun que le Concile dénonce et condamne ces formules, conceptions et habitudes. Pie IX n’avait pas d’autre but lorsqu’il publia le Syllabus. A mon humble avis, il serait très utile pour les fidèles de formuler de la manière la plus solennelle une nouvelle condamnation des propositions du Syllabus, en faisant les adaptations et les divers rajouts que réclame notre temps.
Parmi les thèmes que le concile élucidera opportunément, à mon avis, afin de restaurer la cité chrétienne, voici ce qui, entre autre choses, peut être proposé :


L’immense effort pour réduire le genre humain à l’unité.


On observe en tous lieux un immense effort pour réaliser un genre humain unique.


Plusieurs institutions nationales y tendent, et l’UNESCO en premier lieu ont pour finalité de faire disparaitre toutes les causes qui font que les hommes sont en désaccord entre eux.
Selon les défenseurs de cette sorte d’unité, rien ne concourrait davantage à la béatitude du genre humain que l’abolition de toutes les différences qui distinguent les hommes et les nations, et par conséquent les séparent. La vie sur cette terre serait un paradis pour les hommes s’il n’y avait qu’un seul et même peuple, une seule race, une seule et même culture, s’il existait seulement un seul état.


En soi, l’intention de chercher toujours une union chaque fois plus grande du genre humain n’aurait rien de répréhensible, si elle avait la sagesse de ne pas mépriser le droit naturel et celui de la Vérité Révélée, ce qui malheureusement ne me semble pas pouvoir se produire.


En effet, même si elle n’est pas formulée ouvertement, l’idée au moins sous-jacente dans l’activité entreprise pour l’unité du genre humain, c’est que les religions dogmatiques divisent plus souvent les hommes qu’elles ne les réunissent. De là, un mouvement vers le syncrétisme religieux ou vers le concept de religion des modernistes.


Jour après jour, cette conception va se renforçant, grâce au concours d’associations qui visent à une élévation morale de la société, tandis qu’elles se préoccupent en rien de la vraie religion, ni même seulement de religion, comme le « Lions club », le « Rotary Club », le « Réarmement moral », et toutes les autres du même genre.


Elle se renforce encore par une publicité continuellement croissante en faveurs d’autres associations, c’est-à-dire, de celles qui désirent secourir les pauvres et les malheureux et qui prétendent que telle est la seule véritable et bonne religion, car elle est fondée sur la charité.


Il me semble que le Concile ne peut ignorer ces faits, qui constituent autant de moyens astucieux et très efficaces pour corrompre la véritable notion de cité chrétienne.


Le moindre mal : La thèse et l’hypothèse.